La plupart des gens font de la photo lors d'un trek. Il faut dire que
les sujets ne manquent pas : les paysages bien entendu, mais aussi les
habitants des contrées visitées, les maisons et bâtiments, la faune et
la flore locale, les marchés, les inévitables couchers de soleil et bien
d'autres encore. Bref, en trek tout est différent de chez soi et donc
propice à la photographie. Ceci dit, le trek amène aussi son lot de
contraintes pour le photographe.
Photographier les gens que vous rencontrez lors d'un trek au Vietnam est
toujours délicat. Vous ne faites que passer et, à moins que vous soyez
dans une région où les gens demandent à être photographiés (cela existe,
spécialement quand la fréquentation touristique est faible), vous
n'avez pas le temps de gagner leur confiance, ce qui est généralement la
condition sine qua non pour un consentement de leur part qui ne soit pas obtenu à l'arraché.
Faute de cela vous allez, le plus souvent, soit vous heurter à un
refus, soit obtenir un accord en échange (c'est plus ou moins explicite
suivant les cas) d'un tirage que vous leur enverrez. S'ils sont dans un
endroit trop reculé pour être touché par la poste, pensez à demander
l'adresse de votre guide. Il pourra apporter les tirages lors d'un trek
suivant. Les personnes photographiées seront très heureuses d'avoir un
tirage et votre guide, ayant joué les intermédiaires, renforcera
d'autant son prestige auprès des gens du coin. Bref, tout le monde est
gagnant !
En cas de refus ou, plus subtilement, d'absence d'accord manifeste,
un cruel dilemme se présente à vous. D'un coté, vous avez tellement
envie d'avoir une photo de ce personnage au faciès si typique dans son
(plus ou moins) beau costume traditionnel pour pouvoir montrer à votre
famille et à vos amis «comment ils sont là bas». D'un autre coté, que la
personne vous signifie clairement son désaccord ou pas, vous comprenez
bien que vous vous apprêtez à faire preuve d'un total manque de savoir
vivre pour satisfaire un désir purement égoïste. Vous n'avez qu'à vous
imaginer des touristes venant vous photographier dans votre ville
pendant une de vos activités quotidiennes (faire les courses par
exemple) parce qu'ils vous trouvent typiques. Comment réagiriez-vous ?
Qu'en penseriez-vous ? Ne riez pas, c'est arrivé, et quand cela arrive à
un trekkeur, il perd curieusement l'envie de photographier le premier
autochtone qui passe !
La palme revient certainement à ceux qui monnaient les séances de
pose des gamins «si mignons» avec des bonbons ou des stylos. Outre le
fait que, si les bonbons leur donnent des caries ils ne sont pas près de
trouver un dentiste là où ils sont, le fait de leur donner ces objets
inscrira au fer rouge dans leur esprit : «touriste = bonbons + stylos». A
partir de là, il ne faut plus s'étonner aujourd'hui d'être harcelé en
arrivant dans les villages les plus reculés par une horde de gamins qui
crient «hello», «pen», «bonbon». Cela peut finir par énerver, mais vous
savez au moins à qui vous devez cela. Alors, par pitié pour vos
camarades trekkeurs, si vous voulez absolument caser votre paquet de
stylos bic, donnez-les à l'instituteur du village et mangez vos bonbons
vous-même !